Dieselgate Volkswagen, les dessous d’un scandale

Selon le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), 13% des émissions annuelles de dioxyde de carbone (CO2) sont dues aux transports. Or, depuis la fin du 20e siècle, la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air sont devenues des enjeux majeurs pour de nombreux pays. Les ONG et les pouvoirs publics contrôlent et homologuent les taux des émissions polluantes depuis les années 1970 ce qui influencent les constructeurs automobiles sur l’optimisation des véhicules. Mais quelques filous passent entre les mailles du filet ou n’hésitent pas à frauder.

Début 2014, l’ONG ICCT (International Council on Clean Transportation) fait une étude sur la pollution en condition de conduite réelle sur 15 voitures diesel européennes. Dont trois véhicules européens vendus aux États-Unis, persuadée que ces véhicules se porteront bien. En effet, la norme anti-pollution américaine impose un maximum de 40 mg/km de NOx (gaz polluant la qualité de l’air, c’est de l’oxyde d’azote) contre 80 mg/km pour la norme en Europe.

Les tests effectués montrent que tous les véhicules se comportent correctement en matière de pollution au CO, HC et particules. En ce qui concerne les NOx, trois véhicules ont des performances alarmantes.

Lors de la publication du rapport, la Volkswagen Jetta US émet 22,6 fois plus de NOx que le seuil de les normes européennes d’émission sur le banc NEDC, la Volkswagen Passat US qui émet en moyenne 11,4 fois plus. Le dernier véhicule, désigné dans le rapport ICCT comme véhicule de luxe européen émet 22,3 fois plus que ce seuil. Les 3 véhicules pointés du doigt sont donc conçus et produits par le groupe Volkswagen, dont 2 vendus aux États-Unis, pourtant censés satisfaire à des normes plus rigoureuses.

La société anglaise Emissions Analytics indique avoir analysé 2 véhicules de luxe : une Mercedes S350 et une Audi A8 3.0 TDI, véhicules pointés du doigt pour émettre 22 fois le seuil des normes européennes.

Venons à l’histoire et à la stratégie de Volkswagen sur ces modèles Diesel. Ce constructeur est parmi les premiers à tenter l’aventure du moteur diesel pour véhicules particuliers aux États-Unis où le marché est en pleine croissance et où les normes de dépollution sont plus strictes en matière de NOx. Il investit ainsi dans des usines dans le Tennessee en 2011 et en 2013 au Mexique. Afin de s’implanter sur le marché américain, Volkswagen promeut son quatre cylindres TDI de l’appellation « Clean Diesel » avec une consommation inférieure à celle des modèles essence et donc une pollution au CO2 inférieure. Cependant, les normes américaines sur les émissions de NOx sont plus strictes que les normes européennes, si bien que le constructeur allemand met en place des catalyseurs à NOx LNT ou des systèmes à injection d’urée SCR, qui consomment du carburant supplémentaire pour brûler ces oxydes d’azote.

Dès lors, il lui devient difficile d’afficher des consommations basses de carburant, d’où le choix de tricher lors des tests en laboratoire pour afficher des consommations en carburant relativement faibles et des émissions de NOx respectant les normes légales. En outre, le dispositif de dépollution de NOx diminue légèrement la puissance moteur et pour le système SCR fait consommer le liquide « AdBlue »(c’est un liquide à mettre dans le système SCR qui permet de diminuer les gaz d’oxyde d’azote) . Le groupe Volkswagen a choisi de désactiver le système de dépollution en condition réelle de circulation, et de ne connecter ce système que lors des tests sur rouleaux.

Ainsi, ce moteur quatre cylindres TDI est équipé entre 2009 et 2015 d’un logiciel détectant les conditions de tests en laboratoire sur un banc à rouleaux : capot levé, roues arrière fixes, volant immobile ou encore vitesse régulière. Lors de ces phases d’homologation, le calculateur moteur active pleinement l’équipement antipollution, qui est bridé en conditions de route réelle. Ce logiciel fourni par le groupe allemand Bosch a été délibérément modifié par le groupe Volkswagen, puisque l’EPA (Environmental Protection Agency) a certifié que le logiciel fourni par Bosch aux autres constructeurs ne présentait pas la partie fraudeuse de déconnexion du dispositif de dépollution en condition normale de circulation sur route.

Voilà comment un événement comme le “Dieselgate” a vu le jour.

Le 18 septembre 2015, l’EPA rappelle aux industriels concernés et au public que « la pollution par NOx contribue à la production de dioxyde d’azote, d’ozone troposphérique (proche du sol) et de particules fines ». L’EPA ajoute que l’« exposition à ces polluants a été reliée à une série d’effets graves pour la santé, dont une augmentation des maladies respiratoires pouvant être assez graves pour nécessiter une hospitalisation. L’exposition à l’ozone et aux particules a aussi été associée à des morts prématurées dues à des effets respiratoires et/ou cardiovasculaires induits. Les enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de maladies respiratoires préexistantes sont particulièrement à risque en termes d’effets sanitaires de ces polluants ». Sa notification publique de violation de la législation américaine rappelle aussi que « les normes de l’EPA ont été conçues pour protéger la qualité locale de l’air, et maintenir un air sain pour tous ».

Entre le 19 et le 22 septembre 2015, le cours de l’action du groupe chute de près de 40 % à la bourse de Francfort. Plus généralement, l’ensemble du secteur automobile européen connaît de fortes pertes dans les jours qui suivent l’éclatement de l’affaire. Le groupe annonce rapidement la suspension de la commercialisation aux États-Unis de ses modèles diesel quatre cylindres de marque Volkswagen et Audi. Ceux-ci représentaient 23% des ventes de la marque Volkswagen en août aux États-Unis. Les 25 et 26 septembre 2015, la Suisse puis la Belgique interdisent la vente des véhicules diesel concernés sur leur sol. Le 29 septembre, le constructeur japonais Suzuki cède à la holding Porsche SE les 1,5 % du capital qu’il détenait dans le groupe Volkswagen.

L’agence de communication du constructeur est accusée d’avoir menacé des médias français de différer, voir d’annuler des campagnes publicitaires et donc d’avoir exercé des pressions sur le contenu éditorial de ces médias en ce qui concerne la fraude du groupe Volkswagen, mais le constructeur dément en être le prescripteur, alors que pourtant l’agence de placement de publicités n’est que l’exécutant de son client, le groupe Volkswagen.

Ajoutons que Volkswagen a quitté la WRC fin 2016 due à l’affaire Dieselgate. En été 2017, Porsche se retire du LMP1 des 24 heures du Mans pour rejoindre la formule électrique comme Audi un an auparavant. Le patron d’Audi, Rupert Stadler, s’est vu arrêté le 18 juin 2018 car il est soupçonné d’avoir voulu dissimuler des preuves à la justice dans la même affaire.

Aujourd’hui, Volkswagen a réparé la majorité des véhicules européens concernés et annonce qu’il paiera un milliard d’euros d’amende en Allemagne. La commission européenne regrette tout de même les efforts à minima de la société…